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Bénin : Sévérin Adjovi parle un an après sa condamnation

L’investigateur 17/06/2021 à 15:13

A la suite de l’arrêt de renvoi n°022/CRIET/COM/2020, rendu par la Commission d’instruction, le 29 Mai 2020, Sévérin Adjovi a été renvoyé devant la Chambre des Jugements de la Cour de répression des infractions économique et du terrorisme (CRIET). Statuant en matière correctionnelle, cette cour spéciale l’a jugé pour les préventions de : Fraude fiscale au préjudice de l’Etat agissant par le biais de la Direction générale des Impôts et des Domaines (DGID), Escroquerie au préjudice de TELECEL BENIN et Blanchiment. D’où sa condamnation à 7 ans de prison ferme.

Un an après ce feuilleton assorti d’une condamnation, l’ancien maire de la Commune de Ouidah remet au goût du jour, le fumant dossier. C’est par le biais d’une interview rapportée par Bénin Web Tv qu’il donne sa version des faits.

« Je suis toujours scandalisé, je me pose toujours des questions, parce que je me connais. Il y a quelques années, je vais faire un autre scandale. Mais je considère que l’Etat, la puissance de l’Etat est telle que si la puissance veut vous écraser, elle vous écrase. J’ai été scandalisé parce que pour tout ce que j’ai pu faire pour mon pays, me traiter comme tel à la fin de mes jours, même si j’ai quelques années à vivre encore« , regrette-t-il.

Pour lui, il n’a escroqué personne dans ce dossier. Au contraire, il estime avoir été escroqué. « Ce sont les autres qui sont venus m’escroquer et maintenant l’Etat s’arrange pour prendre la plainte de mon partenaire pour me condamner à 7 ans pour me faire taire définitivement, pour que je ne parle plus de cette affaire. C’est ça le but », confie-t-il.

Les confidences de l’ancien maire de Ouidah…

Selon une confession de Séverin Adjovi, il aurait été prévenu en 2006 alors qu’il se préparait pour sa candidature à l’élection présidentielle par Monsieur Bernard Koné Dossongui, qu’il y a un plan en préparation pour le détruire.

« Il m’a dit est-ce que tu es sûr que les autorités de ton pays t’aiment. Je dis, je ne sais rien, pourquoi tu me poses cette question, parce qu’il dit qu’il a eu des informations des plus hautes autorités de l’Etat comme quoi si je ne fais pas attention, ils vont essayer de me finir, et qu’il me demande qu’on s’arrange.« , confie-t-il.

A l’en croire, tout cela se passait avant les élections présidentielles de 2006. Monsieur Bernard Koné Dossongui a fini par soutenir la candidature de Boni Yayi contre sa candidature. « Moi, j’étais candidat contre Yayi Boni. Voilà un peu comment les choses se sont passées et aujourd’hui on voit que la puissance de l’Etat continue et cherche à me broyer alors que j’ai raison, sur tous les plans j’ai raison. Il n’y a aucun plan où je n’ai pas raison.« , martèle-t-il.

…Sur la supposée fraude fiscale…

Concernant le chef d’accusation de fraude fiscale, Séverin Adjovi clarifie. Il s’agit de quoi en réalité ? La Société Africaine de Relations Commerciales et Industrielles (SARCI Sarl), indépendamment de ses activités sociales tel qu’il ressort de ses statuts, est détentrice de 49% du capital social de la TELECEL BENIN SA.

A ce titre, et dès lors que les conditions légales sont réunies, la SARCI perçoit des dividendes attachées à la possession de ses actions dans l’actionnariat de la TELECEL BENIN SA. N’arrivant plus à mener ses activités sociales ordinaires, la SARCI a par correspondance en date du 12 Octobre 2005 notifié à la Direction générale des Impôts et des Domaines (DGID) sa cessation d’activité en vue de ne plus être imposée sur cette activité désormais inexistante.

Entre-temps, la TELECEL BENIN, directement ou par le biais de l’autre actionnaire, ATLANTIQUE TELECOM, a versé à la SARCI des dividendes au titre des exercices finissant au 31 décembre des années 2003, 2004, 2005 et 2006 pour un montant total de deux milliards quatre cent quatre-vingt- deux millions quatre-vingt-quatre mille sept cent soixante-dix-huit (2.482.084.778) F.CFA.

De ma compréhension du régime FISCAL des dividendes dont la distribution est assurée par une société à ses actionnaires, laquelle est fondée sur ma lecture des dispositions du Code Général des Impôts, les dividendes reçues par la SARCI de TELECEL BENIN n’étaient plus imposables, la TELECEL BENIN distributrice devant avoir réglé tous les impôts y attachés avant distribution.

Fort de cette compréhension, poursuit-il, je n’ai fait aucune déclaration fiscale relativement aux montants reçus par la SARCI à titre de dividendes indexées sur ses actions dans l’actionnariat de TELECEL BENIN.

Malheureusement, précise-t-il, la DGID ne partageant pas mon point de vue sur la question, a par acte n°1020/MEF/DC/SGM/DGID/DGE/SA-2 en date du 16 Novembre 2007 notifié à la SARCI un redressement fiscal ayant pour objet une imposition, en droit simple et pénalités, des sommes à elle versées par TELECEL BENIN au titre des dividendes des exercices 2003, 2004, 2005 et 2006.

En dépit de mes observations en contestation, ce redressement a été confirmé par la DGID suivant acte 1081/MEF/DC/SGM/DGID/DGE/SA-2 en date du 28 Décembre 2007.

Sans désemparer, poursuit l’ancien maire de Ouidah, la SARCI a, dans les conditions prescrites par la loi, contesté le redressement fiscal et sa confirmation opérés par la DGID.

Cet exercice des voies de recours prévues par la loi s’est décliné dans un premier temps par un recours administratif en date du 08 Janvier 2008 adressé au Ministre de l’Economie et des Fiances ensuite par une requête introductive d’instance devant la Cour Suprême en date du 12 Décembre 2008.

La Cour Suprême, aux termes de son arrêt N°2009-04/CA en date du 20 Octobre 2011, sans examen au fond, a déclaré le recours de la SARCI irrecevable, au motif que cette dernière était forclose pour le recours juridictionnel ayant laissé s’écouler plus de six (06) mois entre le recours administratif et celui-ci.

Cette décision d’irrecevabilité a mis un terme au contentieux fiscal entre la SARCI et la DGID. Le point d’achoppement entre la SARCI et la DGID est moins sur le recouvrement forcé de l’impôt que sur son assiette, clarifie-t-il.

En effet, la SARCI contestait la nature imposable des sommes reçues de TELECEL BENIN, la nature des impôts auxquels seraient assujetties ces sommes selon la DGID et leur liquidation.

« La SARCI n’a rien entrepris d’illégal contre le recouvrement forcé de l’impôt une fois implicitement confirmé par la décision d’irrecevabilité de la Cour Suprême. C’est sur ces faits et dans ces conditions où la SARCI se sait obligée au paiement des impôts et que la DGID a toutes les garanties de recouvrement que la poursuite pour fraude fiscale est exercée contre moi.« , a-t-il affirmé.

…Sur le dossier d’escroquerie

L’ancien maire Séverin Adjovi ne se sent pas plus coupable dans ce dossier que celui de fraude fiscale.

« Je suis propriétaire d’un domaine de terre de superficie 8.834 m2 sis à Godomey, commune d’Abomey Calavi, immatriculé au livre foncier de Cotonou sous le TF N°68. Par acte en date du 28 Février 2006, établi par le notaire Moïse ATCHADE, notaire désigné par l’acheteur, j’ai vendu une partie du domaine objet du TF N°68 de superficie 2.899 m2 à TELECEL BENIN« , explique-t-il.

Après la vente et bien avant que le morcellement et la distraction du TF N°68 de la partie vendue n’interviennent, poursuit-il, l’Etat béninois, en vue de la construction de l’échangeur de Godomey, a entrepris l’expropriation des propriétés se trouvant dans l’emprise de l’ouvrage.

C’est dans ce cadre que, précise-t-il, le TF N°68 dont je suis titulaire, lequel ne comportait encore, en cette période, aucune mention de la vente consentie à TELECEL BENIN, donc de diminution de sa superficie, et ceci pas de mon fait, puisque les formalités étaient en cours à l’étude du notaire, a été recensé par la Commission d’expropriation.

La portion de terre vendue à TELECEL BENIN n’ayant pas encore fait l’objet d’un Titre Foncier distinct, elle ne pouvait exister et être distinctement prise en compte dans le cadre du recensement des propriétés subissant l’expropriation, explique-t-il.

Après le recensement sus indiqué, sur la base des données recueillies à cette occasion, et sans mon concours, la commission d’indemnisation mise en place dans le cadre des expropriations en vue de la construction de l’échangeur de Godomey, a évalué l’indemnisation de l’expropriation du TF N°68 par mètre carré de superficie et me l’a reversé en tant que titulaire recensé dudit titre foncier.

« Ni la commission d’indemnisation ni moi-même n’étions au courant, à cette période, de l’existence du titre foncier N°7545 créé pour le domaine de TELECEL BENIN seulement le 06 Mai 2008 ; En raison de l’expropriation de l’immeuble objet du TF N°68 que j’ai subie, je me retrouvais dans l’impossibilité de délivrer à TELECEL BENIN la portion dudit immeuble à elle vendue« , clarifie-t-il.

La conduite à tenir vis-à-vis de ma cocontractante, agir en résolution de la vente avec restitution du prix de vente perçu ou reverser une partie de l’indemnisation, appelait réflexion de ma part, a fait savoir l’ancien maire de Ouidah qui poursuit en affirmant que l’option qui lui apparaissait la plus évidente, était encore la résolution de la vente avec restitution du prix de vente perçu.

« J’en étais là quand commença un litige entre d’une part l’actionnaire majoritaire de TELECEL BENIN, ATLANTIQUE TELECOM et TELECEL BENIN, et d’autre part la SARCI et moi-même d’autre part sur la répartition des actions et les droits qui y sont attachés », indique-t-il.

Ce litige est toujours en contentieux, mais, en-tretemps, a entraîné la dissolution de la TELECEL BENIN dont la liquidation des biens est en cours, a indiqué Séverin Adjovi.

« Détenant avec la SARCI dont je suis, qui plus est, l’associé unique, la moitié des actions du capital social de TELECEL BENIN, l’actif SAIN de cette société après liquidation devait me revenir dans la même proportion ; Pour moi, le remboursement du prix de vente de la parcelle non délivrée en raison de l’expropriation allait se faire juste par compensation de créances« , confie-t-il.

Malheureusement, conclut-il, c’est dans ces conditions, et dans le contexte de mon évacuation sanitaire, que la poursuite pénale pour escroquerie au préjudice a été engagée contre moi. Il déplore l’implication de l’Etat dans des affaires privées.




 
 

 
 
 

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