Chronique


Par Olivier ALLOCHEME

C’est au cours d’une discussion informelle que Richard Boni Ouorou, se vantant d’avoir obtenu son récépissé provisoire, avait lâché le morceau. Il croyait montrer son efficacité, mais des oreilles indiscrètes ont fait des fiches au chef de l’Etat. Celui-ci a sommé le ministre de l’intérieur de lui donner des explications. La suite est connue. Le président du parti Le Liberal, selon le procureur de la CRIET, a fait des aveux allant jusqu’à révéler comment les montants ont été décaissés. Bien sûr, comme dans les cas précédents, l’intermédiaire a coupé sa part avant de remettre cinq millions au directeur concerné. La perquisition menée au domicile de celui-ci a permis de retrouver l’argent. Alors question : face à un tel amas d’éléments factuels, comment défendre Richard Boni Ouorou ?
On aurait bien voulu voir dans son arrestation et tout ce qui a suivi, les preuves d’un acharnement politico-judiciaire contre un opposant. Et pendant qu’on y pense, on ne sait même plus dans quel camp il se trouve. Dans sa dernière interview donnée à la télé, il tirait à boulets rouges sur le parti Les Démocrates. En avril, il disait n’être ni de l’opposition ni de la mouvance, alors qu’il y a encore quelques mois il appelait les Béninois à marcher contre le régime. Confusion idéologique aussi lorsqu’on voit un libéral s’afficher aux côtés des prolétaires, allant jusqu’à réaliser des œuvres sociales, parfaitement comme le ferait un social-démocrate par exemple. Du reste on ne l’entend que rarement défendre des causes libérales, ce qui n’est pas la moindre des contradictions dans son positionnement sur l’échiquier politique. C’est un défaut de cohérence qui s’est invité dans le scandale déclenché jeudi dernier.
En écoutant le procureur, une seule question se pose : pourquoi courait-il ? Ou, du moins, pour qui courait-il ? Dans la réalité, il suffit de lire le code électoral pour savoir que sa candidature n’était qu’une farce. La seule barrière des parrainages suffit à freiner toute velléité. Et dire que malgré tout cela, il est allé jusqu’à corrompre des agents publics pour obtenir un récépissé qui dans tous les cas ne lui servirait à rien dans la course pour 2026…
On peut même penser qu’il est tombé dans un piège. Et là encore, je peine à croire que les acteurs politiques qui se déclarent opposants soient aussi naïfs que le laisse penser Richard Boni Ouorou. Tout le monde peut tomber dans un tel piège sauf lui. Quand on a passé ces dernières années à faire l’opposition, il faut s’attendre à recevoir des coups tordus. Et ce que l’on voit s’apparente à une tentative de suicide politique. A moins que ce soit tout simplement les symptômes d’une agitation stérile destinée à amuser la galerie. Tenter de corrompre à coup de millions un agent public alors que l’on se sait surveillé par un régime réputé impitoyable, c’est faire soi-même le lit de sa destruction. On ne l’a pas piégé : il a été envoûté.
A vrai dire, il est plus facile d’acheter un espace de visibilité sur Forbes Afrique que de dribler le régime Talon sur le terrain qu’il maitrise le mieux : les réformes pour contrer la petite corruption. On sait très bien ce que veulent dire en réalité ceux qui parlent de la générosité de Boni Richard Ouorou. C’est en les écoutant que je me suis posé une question simple : quel chef d’entreprise qui ne gagne aucun marché public ni au Bénin ni ailleurs, peut s’amuser ainsi avec son argent ? Il n’y en a pas. L’entreprise est une chose trop sérieuse pour qu’un vrai chef d’entreprise se hasarde à distribuer son argent aujourd’hui au Bénin dans des palaces ou des meetings pour de pseudos militants. Et ce que j’ai lu sur Forbes Afrique n’est que la confirmation de ce que je savais déjà : rien de bien sérieux.
En réalité, Richard Boni Ouorou s’est fait prendre à son propre jeu. Il a voulu se vendre cher en créant un parti pour bénéficier des étrennes de 2026. Et mal lui en a pris. Tout ce qu’on peut lui souhaiter c’est d’avoir un bon avocat pour attirer la compassion des juges. Tenant compte de la circonstance atténuante de ses aveux, ils peuvent ne lui appliquer que la sentence minimale de cinq ans de prison. Mais s’ils veulent remonter à son passé et à sa volonté de nous diriger, et donc à son nécessaire devoir de servir de modèle, je n’ose pas imaginer ce qui adviendra.

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L’investigateur

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