Bénin

Nadine Okoumassoun en interview : "on me reproche d’appartenir à un groupe terroriste"

L’investigateur 29/08/2022 à 23:30

Après avoir passé 1 an 4 mois en prison, Nadine Okoumassoun est depuis quelques jours libre de ses mouvements, mais sous contrôle judiciaire. Dans cette interview exclusive accordée à BENIN WEB TV (BWTV) , la jeune opposante raconte son séjour carcéral et lève un coin de voile sur les perspectives de son militantisme politique.

Comment avez-vous vécu tous ces mois de privation de liberté ?

Nadine Okoumassoun : Savez-vous, la prison reste ce qu’elle est. Un lieu par excellence de la stagnation de l’humain. Un prisonnier ne peut pas signer un contrat. En prison, on renonce d’une manière ou d’une autre à ses projets et à une bonne partie de sa vie qu’on ne peut plus mener à sa guise. C’est encore plus compliqué quand on est détenu politique.

Vous pouvez déjà imaginer l’atrocité qu’on nous aurait fait vivre. J’ai connu les pires moments de ma vie en prison. On nous a fait voir de toutes les couleurs. Les séquelles, je les garde encore et je les inscrirai dans un document pour ma progéniture et la génération future pour leur dire qu’à un moment sombre de l’histoire de notre vie, j’ai été privée de ma liberté pendant 1ans 4 mois, parce que j’ai défendu la nation contre ses bourreaux. Mais que jamais, je n’ai satisfait à leur envie de me voir abandonnée la lutte contre l’imposture, les fausses promesses et les mensonges ; que ni la prison, ni les représailles ne m’ont fait fléchi.

Quelles sont les raisons avancées par la justice pour justifier votre incarcération ?

Il m’a été reprochée d’appartenir à un groupe terroriste qui dans le cadre des présidentielles ont voulu porter atteinte à la sûreté de l’État. C’est-à-dire que nous avons voulu détruire les institutions de la République pour des fins politiques.

Je n’ai pas perdu ma féminité pour m’adonner à des actes de violences qui ont vocation à détruire les institutions de cette république qui nous a vu naître et nous a tout donné. Tous les béninois savent que j’ai été emprisonnée pour mes opinions. J’ai été emprisonnée parceque j’ai osé défendre mon droit, mon pays, conformément aux dispositions de la Constitution dans son article 42 : « La défense de la nation est un devoir pour tout citoyen ».

La prison a-t-elle émoussé vos ardeurs ou vous êtes toujours déterminée dans votre combat ?

Bien-sûr que oui ! C’est quand on est en tort qu’il faut avoir la hardiesse de faire amende honorable et rebrousser chemin. Ce que nous avons, tout le temps, demandé au président Patrice Talon et qu’il n’a jamais voulu comprendre. Tant que la majorité des Béninois se sentiront opprimés, qu’on leur refusera de prendre part démocratiquement aux élections et d’élire leurs propres représentants, les esprits les plus malfaisants profiteront de la naïveté des victimes pour assouvir leur soif de violence.

Ma lutte vise à permettre aux Béninois de retrouver un Bénin démocratique, dans lequel chaque citoyen choisit librement ses dirigeants. Je reste déterminée dans cette logique et je referai le même combat, si c’était à refaire.

Que retenir de votre parcours politique avant la prison ?

J’ai toujours été présente sur la scène politique nationale depuis 2015. En 2015, nous avons ratissé large pour Épiphane Quenum dans le cadre des élections législatives. D’ailleurs, sur deux conseillers municipaux qu’il a eu, nous en avons donné un. Il a eu un conseillé dans sa zone et un autre dans le 12 ème arrondissement à Akogbato, où nous avions mouillé le maillot pour lui. Il s’est fait qu’il a été nommé Préfet et ne pouvait pas soutenir un candidat parceque ce rôle ne le lui permettait pas. Il a demandé à ses militants de soutenir le candidat de leur choix.

En 2016, nous avons porté Sébastien Ajavon. J’ai fait partie de la coordination estudiantine ayant fait venir Ajavon à l’UAC dans le cadre de l’élection présidentielle.

Le Maire Luc Atrokpo peut témoigner ma forte contribution à son élection au Conseil municipal de la ville de Cotonou. Il me connaît très bien et sait qui je suis. Je militais encore pour son élection, quand j’ai commencé à dénoncer le Code électoral révisé qui donne le pouvoir aux responsables des partis politiques d’élire les maires.

J’ai trouvé que le peuple lui même devrait désigner ses dirigeants. Et pour cela, jamais et au grand jamais, on ne devrait arracher aux conseillers communaux choisis par le peuple pour élire les maires, cette prérogative et le remettre aux responsables qui ne sont pas le choix du peuple mais la volonté d’un homme.

Luc Atrokpo s’en était offusqué et me l’a clairement dit. Néanmoins, j’ai continué en lui disant que c’était contre mes principes. Pour moi, c’est simplement de la tricherie.

Quelles sont vos perspectives ?

Je pense donner une nouvelle orientation à ma lutte par mon adhésion à un parti politique. Ensemble, avec le parti nous déciderons de la stratégie efficace pour l’atteinte de nos objectifs.

Je suis une femme extrêmement ambitieuse. Mais désormais, je répondrai aux principes, visions et objectifs d’un parti politique. Mon militantisme se fera désormais avec une formation politique dont je tais le nom pour le moment.

Un appel pour conclure ?

La perspective de la liberté qui se dessine à l’horizon doit nous encourager à redoubler d’effort. Jamais nous ne devrons faiblir dans cette quête de justice sociale et de développement participatif. Nos efforts ne sont pas vains. Sans doute, Nous ne gagnons pas de l’argent. Mais, inéluctablement, ce que nous gagnerons à protéger le Bénin est inquantifiable.

Barack Obama nous l’aura dit : « Il n’y a rien de mal à gagner de l’argent, mais orienter sa vie dans ce seul but dénote d’une absence d’ambition ».

J’adresserai cette requête au président Patrice Talon pour lui demander de garantir une libre-activité politique pour que le peuple choisisse ses dirigeants. Que la justice dise le droit, afin que tous les exilés politiques rentrent chez eux, et que les détenus politiques, dont Joël Aïvo, Reckya Madougou , Thibault Ogou … recouvrent leur liberté.
La paix n’est pas un vain mot.




 
 

 
 
 

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