Connu sous le nom de Oncle Bazar, Jean Paul Amoussou est un acteur, comédien, mais aussi réalisateur, producteur et scénariste béninois. Le secteur du cinéma est de plus en plus relégué au dernier rang par les politiques, mais aussi les acteurs du métier. A la faveur d’une interview que l’homme a bien voulu accorder à la rédaction de votre Journal, le jeudi 13 octobre 2022, nous avions fait avec lui le tour d’horizon des difficultés que rencontre le cinéma béninois.

L’INVESTIGATEUR : Aujourd’hui au Bénin mis à part Canal Olympia, rares sont les salles de cinéma prisées du public. Qu’est-ce qui explique l’état délaissé de toutes ces autres salles de cinéma dont dispose le Bénin ?

Oncle Bazar : Bien que je n’aime pas vraiment intervenir dans ce genre de questions, laissez-moi vous dire que c’est purement politique. Si les gouvernants voient que le domaine du cinéma ne profite pas à l’Etat, ils ont le libre choix d’oublier ce secteur.

Pensez-vous qu’un jour au Bénin l’industrie du cinéma pourra se démarquer au plan mondial ?

Je ne crois plus en cela, vous le savez, je suis du secteur j’ai passé toute ma vie à croire que mon pays, le Bénin, viendrait un jour à se démarquer au plan mondial mais à l’heure actuelle, le désespoir m’a submergé. Je ne crois plus parce que le secteur n’est pas honoré, même pas reconnu ni respecté.

Pendant que certains dénoncent le manque de cinéastes béninois compétents, d’autres dénoncent un manque de financement dans l’industrie du cinéma. Selon vous, Oncle Bazar, à qui la faute ?

Je peux vous rassurer qu’il n’y a pas de manque d’acteurs ou de cinéastes compétents dans notre pays, mais il y a un gros manque de volonté à donner de la valeur à ces acteurs là pour que le cinéma béninois soit vraiment un grand industriel cinématographique. Maintenant pour répondre à votre question, je pense qu’on ne peut rejeter le tort sur personne, puisqu’aujourd’hui nous-mêmes cinéastes, on doit reconnaître qu’on a été "lâches", nous avons abandonné le secteur à cause du manque de moyens financiers, de l’environnement sociopolitique du pays et de plusieurs autres choses.

Quelques jeunes Béninois se font distinguer sur les réseaux sociaux de part leurs vidéos court-métrages. Pensez-vous qu’ils peuvent être la relève de demain ?

Oui, ils peuvent être la relève de demain s’ils prennent conscience. Je dis ça parce que ces petites vidéos qu’ils publient sur les réseaux sociaux émanent de l’amateurisme, ils font du « sans règles ». Tout le monde peut faire pareil et devenir acteur de nom, mais pour devenir un vrai acteur cinéaste, il faut se former. Donc lorsque je parle de prendre conscience, je cherche à dire qu’ils doivent eux-mêmes chercher à se perfectionner en se faisant former.

Si les moyens vous étaient donnés de participer à la renaissance du cinéma béninois, par quoi commenceriez-vous ?

Je commencerai d’abord par créer des écoles de formation d’acteurs. Des écoles, différentes des écoles académiques qui ne se basent que sur les diplômes. Pour moi, les diplômes n’ont pas tellement de valeur, mais les autodidactes, oui. C’est pourquoi je vais commencer par repérer les autodidactes et les former. Dieu sait que notre pays en a beaucoup.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Béninois qui ambitionnent de devenir cinéaste ?

Je leur demande d’abord d’accepter la vocation. Si c’est fait, vous vous y donnez plus encore vous vous y sacrifiez. C’est ce sacrifice qui vous donne au bout du rouleau ce que vous voulez. En mon temps, c’est à travers l’idée de se donner jusqu’au bout, de se sacrifier pour le boulot même dans les moments difficiles que je suis devenu ce que je suis aujourd’hui. Mais sachez un truc, il n’y a pas de cinéma sans argent, le cinéma c’est l’argent et si vous en avez pas vous ne pouvez pas en faire.

Réalisé par Alexandre HODONOU