Bénin

Ouidah : Christophe Chodaton parle du CCOM23, un creuset mis en place pour ressusciter le Projet « Route de l’Esclave »

L’investigateur 14/08/2022 à 21:56

Le « Comité de Commémoration du 23 Août » en abrégé CCOM23 est une association mémorielle régie par la loi 1901 et enregistrée au Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique. Son siège est à Ouidah , dans le 3è arrondissement, quartier Gomey.

Pour comprendre ce qu’est CCOM23, il faut se rappeler qu’un pan important de l’histoire du Bénin est relatif à la traite négrière. Qu’il vous souvienne que 13 millions d’Africains ont été déportés du continent durant 4 siècles à partir du XVI è siècle dont 1 million de captifs ont transité par le port de Ouidah. La tradition africaine voudrait qu’on n’oublie jamais nos aïeux. Or l’agenda national des manifestations officielles au Bénin ne prévoit aucune date de commémoration de nos Déportés. C’est une voie regrettable vers l’oubli de cette tragédie universelle.

Alors, à l’initiative de l’Union Générale pour le Développement de Ouidah, Section France, (UGDO-France), du Haut Conseil des Béninois de l’Etranger (HCBE) et du Ministère du Tourisme, de la Culture et des Arts et son agence ABRD, le projet de célébrer les Déportés Africains est né au Bénin en 2014. Après 2 célébrations en 2014 et 2015 par l’Etat, celui-ci l’a suspendue en 2016. Persuadé qu’une telle commémoration est un vecteur de transmission du devoir de Mémoire à la Jeunesse du Bénin et aussi de développement économique, un comité s’est créé à Ouidah pour la poursuite de l’évènement. Ce Comité qui s’est fait appeler CCOM23 s’est auto-chargé de planifier, ordonnancer et exécuter toutes les tâches, de la conception à la réalisation de l’évènement de la « Commémoration du 23 Août ». Le CCOM23 était composé de représentants des grandes associations de développement de Ouidah, des Personnalités, et des représentants du Conseil Communal de Ouidah.
En 2021, le CCOM23 est devenu une association pour mieux assurer son développement et atteindre ses objectifs.

Pourquoi 23 Août ?

C’est sur l’initiative du Bénin et d’Haïti que la Conférence générale de l’UNESCO a approuvé la mise en place du projet « Route de l’Esclave » en 1993. Ce projet a été lancé en 1994 à Ouidah. L’une des actions stratégiques du projet « Route de l’Esclave » est d’avoir convaincu les Nations Unies à proclamer des dates de commémoration de cette tragédie. Ainsi, la Communauté Internationale a choisi le 23 Août comme JOURNEE INTERNATIONALE DU SOUVENIR DE LA TRAITE NEGRIERE ET DE SON ABOLITION (JISTNA) « en hommage à la première victoire des femmes et hommes mis en esclavage sur leurs oppresseurs dans l’histoire humaine qui a conduit à l’indépendance d’Haïti en 1804 ». La portée de cette journée : se souvenir et honorer les 13 millions d’Africains déportés et mis en esclavage, se rappeler de leurs luttes quotidiennes dans les différents lieux, célébrer leur courage, leur rendre hommage.
La communauté africaine s’active afin que le « 23 Août » soit la journée africaine de commémoration sur tout le continent.

Quelle est la philosophie développée autour de la JISTNA à Ouidah ?

Elle est résumée dans les objectifs généraux du Projet « La Route de l’Esclave » de l’UNESCO, à savoir 1) Briser le silence sur la traite négrière et l’esclavage dans les différentes régions du monde. 2) Mettre en lumière les traumatismes et les conséquences de cette histoire, les multiples transformations qu’elle a engendrées ainsi que les interactions culturelles nées de ces rencontres contraintes qui sont à la source de la diversité de nos sociétés. 3) Contribuer à la réflexion sur les nouveaux défis et enjeux auxquels doivent répondre les sociétés modernes.
D’une manière spécifique, au Bénin, la JISTNA permet de :
Se souvenir, rendre hommage et honorer les victimes de la traite négrière et de l’esclavage.
Développer le tourisme mémoriel au Bénin et à Ouidah en particulier ;
Rassembler les Béninois et les Afro-descendants du monde sur les lieux de mémoire de Ouidah pour communier ensemble ;
Mettre en valeur et partager la richesse du patrimoine culturel rassemblé à Ouidah et lié à la traite négrière et à l’esclavage ;
Favoriser la conscientisation et la sensibilisation de la jeunesse béninoise sur le devoir de mémoire ;
Faire de Ouidah le creuset de la Réconciliation d’abord, entre peuples béninois, ensuite entre Béninois et sa Diaspora pour surpasser les blessures et les séquelles de cette tragédie et in fine, se reconstruire ensemble ;
Faire de la « commémoration du 23 août » un évènement mémoriel incontournable à Ouidah où convergeraient chaque année les peuples du Bénin et du monde entier.

M. CHODATON, quelles sont les innovations apportées à cette édition 2022 ?

La grande Innovation de JISTNA 2022 est l’arrivée à Ouidah du groupe martiniquais de 29 personnes, Tanbou Bô Kannal. Ils chanteront et danseront le « Bèlè », la musique traditionnelle martiniquaise que nos parents déportés et mis en esclavage jouaient lorsqu’il leur était interdit de communiquer entre eux dans leur langue.

Una autre innovation consiste à élever nos connaissances dans l’histoire de l’esclavage en s’intéressant à l’esclavage trans-Océan Indien, dans la partie orientale de l’Afrique. En effet les études dans le domaine font la part belle à l’esclavage transatlantique vers les Caraïbes, les Etats- Unis, le Brésil. On évoque parfois l’esclavage Arabo-musulman ou « transsaharien ». C’est presque le silence sur le « trans-Océan Indien ». Une communication sera faite sur ce dernier pour nous éclairer.
La transmission du devoir de Mémoire étant notre cheval de bataille, la JISTNA 2022 a prévu un atelier de sensibilisation et une rencontre d’échanges avec les enfants, les collégiens et collégiennes et les lycéens et lycéennes. C’est une première depuis 2014.

M. le Président, quelle stratégie mettez-vous en place pour une appropriation de cette journée par la population de Ouidah ?

Nous avons imaginé une stratégie en 3 points. D’abord, étant désormais une association, nous avons ouvert l’adhésion à toute personne de Ouidah et d’ailleurs désireuse de s’engager dans la lutte contre l’oubli de cette tragédie. Nous communiquons sur cette adhésion.
Ensuite, nous organisons des rencontres avec les grandes associations de la ville (les artisans, les jeunes, les femmes…) pour mettre toutes les informations relatives à la JISTNA et au CCOM23 à leur disposition. Certaines rencontres provoquent des émotions enfouies ou créent des sensations incroyables dans l’assistance. Une prise de conscience se lit sur des visages
Enfin toutes les manifestations de la JISTNA sont et restent libres et gratuites. Nous mettons ainsi l’histoire et la culture à la portée de toutes et de tous dans des cadres agréables et conviviales.
M. CHODATON quelles sont les délégations qui ont confirmé leur arrivée à Ouidah dans le cadre de JISTNA 2022.
La suspension des mesures barrières contre la Covid 19 a suscité un engouement au niveau de ceux qui s’y sont préparés, malgré le délai court de préparation aux voyages longs. La relance des activités pour la JISTNA au grand public avait débuté en Avril dernier. C’est relativement tard pour les délégations étrangères. Malgré ceci, nous attendons 2 délégations d’artistes de la Martinique, 2 délégations de France, l’une de Bordeaux et l’autre de Paris et 1 délégation de l’Île de la Réunion. Des Afro descendants du Brésil, de la Martinique, de la Guadeloupe et de Guyane déjà au Bénin, assisteront à la célébration. Nous souhaitons et rêvons d’une délégation de chacune des 76 autres communes du Bénin. Le Maire de Ouidah compte inviter ses pairs à la commémoration de la JISTNA 2022.

M. le Président, parlez-nous des difficultés de CCOM23

Nos difficultés sont essentiellement dues à la non-inscription de la JISTNA dans les manifestations d’envergure nationale par le Ministère du Tourisme, de la Culture et des Arts (MTCA). Notre commémoration a vu dans les années précédentes la participation des délégations d’Europe, de Martinique, de la Guadeloupe, de l’Île de la Réunion, d’Haïti, du Brésil. En 2019, 22 pays y étaient représentés. C’est dire que cette manifestation est déjà INTERNATIONALE, mais pas encore NATIONALE. Eu égard à cette situation, un soutien conséquent de l’Etat fait défaut. Notre association reste très limitée dans ses ressources pour cette grande cause. C’est l’occasion pour nous de solliciter l’adhésion massive à l’association CCOM23 afin que la JISTNA obtienne ses lettres de noblesse.
Je vous donne rendez-vous à OUIDAH du 19 au 23 Août et en particulier à la Cérémonie Officielle du 23 Août 2022 à la plage, à côté du Restaurant LA DIASPORA à 9 h.

Source : Journal l’Indépendant




 
 

 
 
 

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