Bénin

Azannaï, les limites du président de la Résistance nationale face à la rupture

L’investigateur 16/09/2021 à 19:27

Candide Azannaï. Il y a quelques années, ce personnage de la scène politique béninoise symbolisait le courage. Il était tout simplement pour l’opinion publique béninoise, un homme de conviction qui disait haut et très haut ce que beaucoup murmurent dans leurs coins respectifs. Mais, il a fallu l’avènement au pouvoir du Président Patrice Talon pour comprendre que Candide Azannaï n’était pas totalement cet audacieux sans limites qu’on croyait.

Cet homme, qu’on ne se trompe pas, avait effectivement fait preuve de bravoure dans le passé. Quand il quittait la Renaissance du Bénin (RB) en 2005, il avait évoqué les signes de rapprochement des Soglo avec le pouvoir de feu Président de la République, Mathieu Kérékou. Il est allé jusqu’à dire que le poste de ministre de l’Environnement était proposé à Léhady Soglo. Pour peut-être apporter de l’eau à son moulin, on se souvient que Nicéphore Soglo, lors d’une sortie médiatique, s’était déclaré prêt à aller présenter ses excuses au Général Mathieu Kérékou pour les fautes qu’il aurait commises à son encontre. Les réactions qu’a suscitées son désir l’ont certainement dissuadé par la suite. Pour marquer définitivement sa rupture avec les Soglo, le "philosophe de Jonquet", comme l’appellent affectueusement ses fans, faisait partie des tout premiers soutiens de la candidature de Boni Yayi à la présidentielle de 2006 contre vents et marrées. Un an seulement après, Candide Azannaï devient encore opposant au nouveau régime qu’il attaquait dans tous les sens. On en veut pour preuve ses dénonciations acerbes contre le chef de l’Etat d’alors lors de la campagne pour les élections législatives de 2007 à Cotonou. « Yayi Boni est un dictateur. Il ne peut pas être au pouvoir et avoir la majorité à l’Assemblėe nationale. Je vais le combattre... », disait-il. Subitement, en 2010, le même devient ministre de l’Industrie du chef d’Etat qu’il vitriolait. Paradoxal, n’est-ce pas ? Après la présidentielle de 2011, il est reparti au Parlement sous les couleurs de Fcbe ( Force cauris pour un Bénin émergent ) dans la même année. En moins de deux ans, le philosophie de Jonquet redevient opposant farouche au même régime. Ici, il faut rappeler que c’était au début des tensions entre le Président Boni Yayi et l’homme d’affaires, Patrice Talon, autour du PVI ( Programme de Vérification des Importations ).
A moins de deux ans de la présidentielle de 2016, Candide Azannaï a montré toutes ses dimensions d’homme courageux et prêt à affronter le Président Boni Yayi qu’il traîtait de tous les noms d’oiseau. C’était à la limite inadmissible pour un chef d’Etat en fonction. En 2014, on se souvient des soulèvements de Zogbo à la suite d’une simple convocation de la police qu’il a reçue. Toute la ville de Cotonou était en ébullition. Le tout-puissant Azannaï était resté intraitable jusqu’à l’avènement au pouvoir du Président Patrice Talon en avril 2016. Tout le monde le voyait au cœur du nouveau régime.

Les limites de l’homme de Jonquet

A vu d’œil, les déboires de Candide Azannaï avec le Président Patrice Talon ont commencé aux premières heures du régime de la Rupture. Pourquoi et comment ? Dans le tout premier gouvernement, Azannaï était le seul ministre délégué chargé de la Défense : c’est-à-dire un ministre qui n’a pas l’entièreté de ses pouvoirs. Il ne peut prendre aucune décision majeure sans aviser le chef de l’Etat. Dans cette posture, au regard des risques qu’il a pris, il n’est pas exagéré de souligner qu’il peut en être frustré. Selon les informations, le ministre qu’il était, marchait sur les œufs jusqu’à sa démission. Aucune malversation dans sa gestion. Prudent, il sait que le Président actuel ne lui ferait aucun cadeau pour des actes de mauvaise gouvernance. D’ailleurs, ceux qui se sont entêtés d’aller sur le chemin de la mauvaise gestion, en témoignent comme le prouve leur séjour à la CRIET. Pourquoi l’ancien ministre était dans cette posture au gouvernement de Talon, surtout qu’il dévoilait les secrets de Boni Yayi ? Qu’on le veuille ou non, il faut souligner que le Président Patrice Talon a un sens d’anticipation très développé. Craignait-il qu’on lui fasse le même coup ? A analyser de près, le défaut de Azannaï est qu’il se laisse trop emporté dans ses déclarations quand il est en opposition contre quelqu’un. Au regard de ceci, doit-on le laisser rentrer dans l’antichambre d’un pouvoir ? Difficile de le dire.
Un fois hors de l’équipe gouvernementale, on s’attendait à voir Candide Azannaï, l’opposant, très acerbe contre Talon. Au départ, il a essayé de lancer quelques pierres dans la cour du roi. Ça n’a pas duré. Au contraire, il s’est révélé comme l’opposant qui ne sorte que pour attaquer l’opposition. Pour beaucoup de Béninois, il continue d’avoir de très bonnes relations avec le chef de l’Etat. Il ne s’est jamais mêlé aux déclarations de l’opposition farouche, ni à la veille de la dernière élection présidentielle, ni après les résultats. Au-delà de tout, pourquoi le courageux Azannaï n’a pas osé aller sur le terrain d’affrontement contre Talon à l’image de Madougou, Aïvo et Cie ? Il est conscient de ses limites. Il sait que le Président Talon est un homme averti et non flexible et lui répondrait à la mesure de la provocation.
En clair, Candide Azannaï a compris qu’on ne touche pas à tous les arbres dans la forêt. De là, il a rencontré un plus fort que lui. Il fait preuve de réalisme, connaissant ses limites.

Jules Yaovi Maoussi




 
 

 
 
 

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