Opinion

Chronique du Professeur : Ah cette malédiction du troisième mandat !

L’investigateur 7/09/2020 à 09:11

(Par Roger Gbégnonvi)
Tristesse du peuple béninois à la vue des peuples africains soumis à la possibilité d’un troisième mandat présidentiel auquel aspirent tels Chefs d’Etat malgré leur âge plutôt avancé, et sous le couvert d’une constitution par eux révisée. Il n’est pas évident que la perspective réjouisse la majorité de leurs concitoyens. Le peuple béninois peut, quant à lui, se réjouir d’avoir mis la gérontocratie KO au cours d’un combat mémorable en deux rounds.

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Le premier round se joua autour de la limitation d’âge. Trois anciens présidents s’en estimèrent lésés. Il est vrai que, à cause de la propension des casernes à lorgner vers les palais présidentiels, aucun des trois n’avait fini son mandat. D’où, peut-être, leur amertume pendant la campagne référendaire en 1990. L’un promit qu’on ne l’enterrerait pas vivant, l’autre révéla que la loi le visait, lui, et que si le crime était perpétré, il serait vengé sur des générations par les siens. Ambiance. Contre mauvaise fortune le troisième fit bon cœur en exigeant que le futur président prenne avec lui des membres de son parti. Le peuple n’étant pas entré en Renouveau démocratique pour cajoler ses aïeux, on adopta la Constitution sans modification. Le président élu ne prit avec lui aucun ami du troisième aïeul. Dépité, il voua le réfractaire et tout son gouvernement aux gémonies. Ambiance. Fin du premier round.

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Le deuxième round se joua autour de l’impossibilité d’un troisième mandat. Or chaque président qui avait obtenu le second mandat s’était mis, sans le dire ouvertement, à cajoler le troisième qui déboucherait, bien entendu, sur le quatrième, dans le cadre d’une constitution ‘‘légèrement’’ retouchée. Et pourquoi celui qui aura exercé le pouvoir pendant vingt ans d’affilée y renoncerait de son vivant ? Paré du don divin de sonder le cœur de ses présidents, le peuple béninois sortit chaque fois à temps le carton rouge « Touche pas à ma Constitution ! » Mais il fut surpris par la générosité à rebours de l’homme de la Rupture venu lui parler d’un mandat présidentiel unique de sept ans au maximum. Méfiant, entendant partout des non-dits et des arrière-pensées pas exprimées, le peuple complota sans doute et fit échouer le mandat unique sur la phrase devenue célèbre : « Moi aussi j’ai pris l’argent ! » Sous-entendu, ‘‘mais je n’ai pas fait le travail’’. Car le Béninois bas de gamme se déshonore dès qu’il a perçu les arrhes. Mais notre homme comprit qu’il ferait Rupture en conservant, solides, les articles qui firent cauchemarder ses prédécesseurs. Et il respecta le peuple en les élevant sur un socle de marbre. Fétiches intouchables. Cerbères farouches de la démocratie au Bénin.

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Ainsi, le 7 novembre 2019, il put « Toucher à ma Constitution ». Les deux vaudous tutélaires étant restés respectés et vénérés, nul n’alla regarder les 158 autres articles… Bof !
Généreux à son tour, le peuple béninois mandate son président pour aller proposer aux Africains d’adopter dans leur Constitution notre cauchemardesque 2ème alinéa de l’Article 42 nouveau (sic) : « En aucun cas, nul ne peut, de sa vie, exercer plus de deux mandats de président de la République. » Chaque mot percute et, du même coup, résout déjà la limite d’âge, étant entendu que, entre 40 et 70 ans, si vous le souhaitez et que le peuple vous l’accorde, vous avez eu le temps de vous faire élire deux fois président de la République. Est effacée en tout cas la malédiction du troisième mandat avec ses malheurs associés tels que l’obligation pour le peuple de surveiller son président démocrate comme du lait sur le feu pour qu’il ne vire pas au vrai faux monarque ou au Maréchal de scène, l’absence ou la raréfaction d’un personnel politique présidentiable parce que les jeunes ambitions font le pied de grue jusqu’à plus soif, etc. Et l’Afrique qui point ne décolle, alors que le devoir de tout président africain est de dégager l’horizon pour que l’Afrique dès aujourd’hui prenne le large. Elle le peut. Elle le doit. Levons les amarres du navire Afrique.




 
 

 
 
 

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