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Enquête : le scandale révélé du crash de l’helico de Lionel Zinsou, 06 ans après

L’investigateur 30/12/2021 à 11:42

Acquis dans les conditions assez obscures grâce au bonus des contrats de pétrole, l’hélicoptère Ty-Abc de la Sobeh qui devrait servir aux transports des agents des firmes sur les plates formes pétrolières, a été subrepticement détourné. Pendant plus d’un an, il n’a servi qu’aux déplacements du président Boni Yayi jusqu’au crash du 26 décembre 2015. Depuis ce temps, l’enquête piétine et semble être entourée de mystères, comme son achat et sa gestion.

Vie de l’hélicoptère TY-ABC : Scandales à forte odeur de pétrole

Le Bénin ne figure pas sur les tablettes des pays exportateurs du pétrole. Si le pays dispose d’un « demi-verre de pétrole » qui ne fait pas pâlir d’envie de grandes firmes pétrolières, il a réussi à en gagner quelques miettes. C’est justement avec celles-ci qu’il a été acquis en Février 2014, un hélicoptère pour les opérations pétrolières. Mais jusqu’au crash du 26 décembre 2015 qui a mis fin à ses vols au Stade Atchoukouma de Djougou, cet engin n’a servi qu’aux pérégrinations de l’ancien Chef de l’Etat Boni Yayi.

Retour sur l’histoire de cet hélicoptère blanc dont la courte vie a été une série de scandales.

« Je suis convaincu que notre pays a du pétrole. Le Bénin n’est pas un pays maudit. Si le Nigéria, le Ghana, la Côte d’Ivoire ont tous trouvé du pétrole, nous-mêmes on doit trouver ». Cette déclaration faite par le président Boni Yayi a été l’élément déclencheur des nouvelles explorations pétrolières qui ont commencé sur nos côtes à partir de 2013 avec le baptême de l’ancien Ministère des mines, de l’énergie et de l’hydraulique en Ministère des mines, de l’énergie et des recherches pétrolières. C’est la deuxième génération d’exploration sur nos côtes après celles des années 60. « C’est en 1964 qu’il y a eu la première signature de contrat de recherche sur le bassin côtier béninois entre DAHOTEX et le gouvernement dahoméen de l’époque », rappelle Mme Suzanne Amelina, conseillère technique aux recherches pétrolières du Ministre des mines, de l’énergie et de l’hydraulique. Le portefeuille a été confié à Barthélémy Kassa qui avait occupé le même portefeuille entre 2008 et 2011. Pour plus d’efficacité dans les recherches, il a été créé au sein de ce ministère la Société Béninoise des Hydrocarbures(SOBEH). Le décret portant approbation des statuts de cette société a été pris en Conseil des ministres le 24 décembre 2013. Cette société nouvellement créée avait pour attribution de gérer le volet de l’exploration pétrolière. Entre 2013 et 2015, elle a signé plusieurs contrats avec des firmes pétrolières pour faire de l’exploration. Pour le déplacement des agents de ces firmes sur les plateformes pétrolières en haute mer, la SOBEH était obligée de solliciter les services de Bristow Nigéria qui lui louait des hélicoptères. Mais au fil des mois, la facture qui avoisine les 500.000 dollars US par mois alourdissait les charges de la Société. Pour arrêter la saignée, elle a décidé d’acquérir sur fonds propres un hélicoptère qu’il pourra utiliser pour les déplacements des agents sur les plateformes, mais aussi qu’il pourra louer pour gagner un peu d’argent. A cet effet, une communication a été introduite en Conseil des ministres et la procédure de l’achat a été lancée. Le Conseil des ministres du 17 juillet 2014 a d’ailleurs statué sur la question avec deux communications. La première est la communication N° 852/14 sur la « Création au sein de la SOBEH d’un département logistique et transport aérien dans le cadre des opérations pétrolières. » Une deuxième communication N° 889/14 sur « le recrutement d’un pilote et d’un mécanicien pour opérer l’hélicoptère acquis dans le cadre des opérations pétrolières ». « Le Conseil des ministres a par ailleurs autorisé : la négociation de contrat avec la compagnie pétrolière Oilserv Limited , l’acquisition d’un second hélicoptère… » ; précise le communiqué du Conseil des ministres du même jour. Le 28 août 2014, le Ministre de l’énergie, des recherches pétrolières et minières, de l’eau et du développement des énergies renouvelables Barthélemy Kassa a créé par arrêté No 2014-094/MERPMEDER/DC/SGM/CTJ/DRFM/DG-SOBEH/SA, une commission spécialisée des marchés publics d’équipements spécifiques chargée de l’acquisition d’un hélicoptère AW 139 dans le cadre des opérations pétrolières. Cette commission qui dispose d’un mandat de six mois est chargée de « mettre en œuvre la procédure d’acquisition de l’hélicoptère conformément aux dispositions règlementaires en vigueur ; négocier le contrat d’acquisition de l’hélicoptère et d’en rendre compte au ministre en charge des recherches pétrolières, faire signer le contrat d’acquisition de l’hélicoptère ; procéder à la réception de l’hélicoptère ».

Comme on peut le comprendre à travers le communiqué du Conseil des ministres, il ne s’agit nullement du premier hélicoptère qui a fini dans un crash le 26 décembre 2015 mais de celui d’un deuxième. Le premier a été acquis en Février 2014 comme le précise le communiqué du Conseil des ministres du 12 février 2014, dans le cadre des opérations pétrolières à Milan en Italie ». Mais comment a été acquis cet hélicoptère ? Selon nos investigations, c’est grâce au « bonus sur signature »- bonus qu’une firme pétrolière qui veut faire des explorations verse à l’Etat- versé par la firme américaine Hunt Oil que cet hélicoptère a été acheté. Mais précise une source proche du dossier qui a requis l’anonymat, « La procédure n’a pas respecté l’orthodoxie. Les fonds n’ont jamais transité dans les comptes de l’Etat ». Elle ajoute que c’est le ministre Kassa qui a géré personnellement les choses, prétextant qu’il serait très difficile dans le système béninois, de décaisser les sous une fois dans les caisses de l’Etat. L’argent a été versé directement par Hunt Oil au vendeur, la société Agustawestland S.p.a basée à Rome et représentée par Enrico Lalia Morra. Ce que confirme le Ministre Kassa : « c’est une négociation qu’on a faite pour avoir cet appareil. On n’a pas sorti un franc des caisses de l’Etat ».

Le contrat de vente dont nous avons obtenu copie précise que le montant de l’achat d’un hélicoptère AW139 est de 11.994.275 Euros. Mais le total avec les frais liés au transport, aux publications techniques, à la formation, aux pièces de rechange et matériel de soutien au sol est chiffré à 13.946.075 Euros. Le même contrat précise les modalités de paiement à la « banca popolare di Milano ». Hunt Oil Compagny of Bénin Energy Sarl a signé le 24 août 2013, un contrat d’opération commune avec la SOBEH pour un permis d’exploitation et d’exploration sur le bloc offshore 2. Dans ce consortium, Hunt Oil détient 65%, Century 20% et SOBEH 15%. « Il s’agit d’un contrat de trois ans qui est arrivé à terme le 23 août 2016 mais le consortium n’a plus renouvelé son contrat », précise Mme Amelina. Selon une source proche du dossier qui a requis l’anonymat, « c’est le ministre Barthélemy Kassa qui a géré lui-même les négociations en dépit de l’installation au ministère d’une commission chargée de l’achat d’un hélicoptère ».


Une enquête qui piétine toujours

Après 293 heures de vol dont la majorité consacrée aux déplacements du président Boni Yayi à l’intérieur du pays, l’hélicoptère TY-ABC finit dans un crash à Djougou le 26 décembre 2015 avec à bord, l’ex-premier ministre Lionel Zinsou. Dix sept mois après, l’enquête piétine.

Le samedi 26 décembre 2015, l’hélicoptère TY-ABC transportait le premier ministre d’alors Lionel Zinsou et trois autres personnes de sa délégation à Djougou où ils devraient participer aux festivités de la fête de la Gaani. Tout s’est bien passé jusqu’à hauteur du stade Atchoukouma, lieu supposé de l’atterrissage. Embarrassé par le choix d’un lieu précis où poser, alors que des travaux de réfection se faisaient sur le stade, le pilote décide alors de se poser sur un espace situé entre la clôture du stade et l’aire de jeu. « A quelques mètres du sol, le soulèvement d’un amas de poussière envahit l’hélicoptère et rend la visibilité difficile pour le pilote. C’est en ce moment que, voulant faire des manipulations nécessaires pour un atterrissage sécurisé, la pale de l’hélicoptère cogne le mur et se brise. L’engin devient incontrôlé dans les airs et vient s’affaisser au sol », confie un membre de la délégation du premier ministre qui a requis l’anonymat. Le mur dans sa chute blesse quelques riverains. Dans le procès-verbal de l’audition de la procédure d’enquête préliminaire par le maréchal des logis Charles S. Dansou, procès verbal N° 003/2015 de la compagnie de gendarmerie de Djougou, le pilote Eric Duprez confirme les faits et explique comment l’accident est survenu. « Avant l’atterrissage, j’ai demandé au premier ministre là où je vais atterrir ; il a répondu que l’atterrissage est prévu sur le stade de Djougou. J’ai préparé mon approche pour me poser face au vent, et comme le stade était en réfection, j’ai décidé de poser l’appareil entre l’aire de jeu et le portail. Au moment du posé, j’ai été surpris par la quantité de poussière qui s’est soulevée. Je tiens à noter que cette quantité est nettement supérieure à ce que j’observe d’habitude. Ensuite, il semble que les pales ont touché un obstacle et l’appareil est devenu incontrôlable au sol », a dit le pilote. Si l’appareil est totalement irrécupérable, aucune perte en vie humaine n’a été enregistrée. En dehors de quelques écorchures, les six passagers à bord sont sortis indemnes de cet accident. Un cas de perte tout de moins, le pilote se plaint de n’avoir pas retrouvé son téléphone portable Samsung S5. Le 27 décembre une délégation du gouvernement conduite par le ministre des transports Gustave Depo Sonon se rend sur place pour visiter l’épave et veiller à sa sécurisation. Le 29 décembre, une commission d’enquête, dirigée par Abdoulaye Assoudo, alors Directeur de cabinet du Ministre des transports, est mise sur pied.


Manque de moyens

Si les causes de l’accident sont plus ou moins connues, il reste à l’enquête officielle de les confirmer et aussi, de situer si possible les responsabilités. C’est cela qui fait défaut depuis que l’accident s’est produit. Car, l’enquête a peu évolué et il n’existe pas de rapport officiel pouvant permettre de savoir réellement ce qu’il s’est passé. Si la majorité des membres reconnaissent que l’enquête n’a pas trop évolué, et qu’il n’existe pas encore de rapport officiel, le colonel Soulé Abou, directeur du cabinet militaire du Chef de l’Etat Boni Yayi affirme quant à lui qu’il existe un hypothétique rapport dans lequel, il aurait répondu à toutes les accusations qui pèsent sur sa personne. Il nous invite à y recourir pour avoir les réponses à nos préoccupations. Mais l’existence d’un rapport officiel n’est pas établie. Le président de la commission M. Assoudo nous a confié que « tant qu’on n’a pas procédé à la lecture de la boîte noire, l’enquête ne saurait être bouclé ». Le Dg de l’ANAC, Prudencio Behanzin également membre de cette commission jusqu’à sa nomination en Juin 2016 confirme cela. « L’enquête n’a pas été bouclée pour défaut d’autorisation de l’Etat pour financer la mission de lecture et d’analyse des données de la boîte noire jusqu’au changement de régime », a-t-il précisé. Le Bénin ne disposant pas d’équipements et d’experts pour ce genre de travail, envoie souvent la boîte noire à l’extérieur pour être décryptée. Le Dg ajoute que c’est maintenant qu’il a relancé le gouvernement pour une levée de fonds. Visiblement, personne ne se presse pour cette enquête. Pourtant, le Règlement 13 de l’aviation béninoise Règlement de l’aviation béninoise (RAB13) en son point 6. 3. 3 (b) stipule : « lorsqu’elle a mené l’enquête, la commission d’enquête doit rendre public le rapport final dans les plus brefs délais et si, possible, dans les 12 mois qui suivent la date d’occurrence. Si le rapport ne peut être rendu public dans les 12 mois, la commission d’enquête doit rendre public un rapport intermédiaire à chaque date anniversaire de l’occurrence, détaillant les progrès de l’enquête et toutes les questions de sécurité qui pourraient avoir été soulevées ». Pourtant rien n’a bougé et le pilote ne cesse de pointer du doigt les responsables de la SOBEH, de l’ANAC et le ministre Kassa. Pour lui, c’est parce que les gens ont des choses à cacher que l’enquête piétine.
Il a longtemps accusé le manque de professionnalisme qui a entouré la gestion de cet appareil. Dans un rapport adressé au président Boni Yayi le 06 août 2015, il avait parlé de « gestion inadaptée » et dénoncé une batterie d’irrégularités qui entachent le bon fonctionnement de l’appareil. Ce rapport est-il parvenu au Chef de l’Etat d’alors ? Difficile de le savoir puisque le pilote s’est plaint tout le temps des stratagèmes de Barthélemy Kassa, et des responsables de la SOBEH pour l’empêcher de rencontrer Boni Yayi. L’ancien ministre Barthélemy Kassa, relancé à maintes reprises pour donner sa version des faits n’a jamais répondu à nos questions. Pourtant, il est celui sur qui pèsent la majorité des accusations. Tout récemment encore, lorsque l’affaire Petrobas éclate au Brésil, c’est encore le nom de Barthélémy Kassa qui est cité par la justice brésilienne. Il est considéré comme l’homme ayant participé du côté béninois à l’évasion des capitaux de la firme pétrolière, en lui attribuant sur les côtes béninoises, des puits secs après avoir reçu des bonus. Selon des confidences, il aurait aussi reçu des retro commissions de plusieurs centaines de millions sur l’achat des deux hélicoptères. Eric Duprez l’a souvent cité comme celui qui lui a rendu la tâche difficile. A plusieurs reprises, à travers des courriers adressés à l’ex-DG de la SOBEH ou dans un mémoire adressé au président Boni Yayi, il a dénoncé le manque de congés pour l’équipe de pilotage, l’absence du contrat de maintenance, l’achat de pièces de rechange non certifiées, la négligence des procédures pour l’obtention d’un PEA. Bref, une gestion non professionnelle de l’appareil. Dans son audition pour le rapport d’enquête préliminaire, il a parlé de manque de « repos hebdomadaires et des congés qui ne sont pas accordés malgré de nombreuses demandes auprès de la SOBEH ». Est-ce pour cacher tout ceci que l’enquête piétine ?


Affectation de l’hélicoptère pour les voyages de Boni Yayi : le gouvernement floue tout le monde

Censé être utilisé pour déplacer les agents qui font les forages sur les côtes béninoises, l’hélicoptère acquis a été habilement « détourné » de l’usage commercial auquel il était destiné.

Acheté courant février 2014 et ramené au pays, c’est en juillet que l’hélicoptère immatriculé TY-ABC sera opérationnel avec le recrutement d’un pilote et d’un mécanicien civils pour s’en occuper, tel que décidé par le conseil des ministres du 14 juillet 2014. Pour ce recrutement, la SOBEH n’a pas cherché trop loin. Grâce à ses contacts, elle a réussi à toucher une société pétrolière au Nigéria qui l’a aidé à prendre contact avec AERO SUPPORT LLC dont le siège est à Delaware aux Etats- Unis. Cette société spécialisée dans l’exploitation des hélicoptères a signé le 24 août 2014 un contrat avec la SOBEH. C’est grâce à ce contrat qu’AERO SUPPORT LLC a mis à la disposition de la SOBEH un pilote et un mécanicien spécialisés en hélicoptères. Il s’agit d’Eric Olivier Duprez, pilote d’hélicoptère et de Yves Maleplate, mécanicien. Tous deux sont des français et exerçaient à Port Harcourt au Nigéria. Mais Eric Olivier Duprez précise être venu au Bénin pour la première fois en Juin 2014 pour « checker » le premier hélicoptère avant de démarrer effectivement en août de la même année. Mais une fois sur place, les trajectoires de l’hélicoptère immatriculé TY-ABC ont changé. Au lieu de transporter les agents des firmes pétrolières sur les plates formes en haute mer où se font les forages, l’hélicoptère a commencé à faire des déplacements de Cotonou vers les autres villes du pays avec souvent à bord le président Boni Yayi. Olivier Duprez qui ne se rappelle plus de la date du premier vol, raconte que c’est le colonel Soulé Abou alors Directeur du cabinet militaire du Chef de l’Etat, qui l’a contacté pour déplacer le Chef de l’Etat vers une ville du septentrion. Et c’est ainsi que de jour en jour, l’hélicoptère a commencé à servir aux déplacements du Chef de l’Etat, en laissant de côté ce pour quoi il a été acheté.
En vérité, tout a été fait pour que l’hélicoptère ne serve jamais à cette fin. En effet, selon le code de l’aviation civile béninoise, les normes requises exigent qu’avant que l’hélicoptère ne soit amené à voler et à être exploité pour des fins commerciales, il lui faut avoir un certificat de navigabilité qui est « le document attestant qu’un aéronef est apte à faire une navigation aérienne ». En plus, la structure qui l’exploite doit détenir un Permis d’exploitation aérienne(PEA), document délivré à une entreprise par l’autorité aéronautique civile d’un Etat attestant que l’entreprise concernée possède les capacités professionnelles et organisationnelles pour assurer l’exploitation d’aéronefs en toute sécurité. Mais la délivrance de ces documents par l’Agence nationale de l’aviation civile(ANAC) requiert certaines exigences auxquelles doit se conformer la SOBEH. Le certificat de navigabilité délivré par le constructeur n’est valable et validé que s’il est accompagné d’un contrat de maintenance avec une structure agréée. Mais son obtention n’a pas été facile, parce que la SOBEH n’a pas daigné signer aussitôt le contrat avec la société de maintenance basée au Nigéria. « La SOBEH n’a signé ce contrat qu’après que l’hélicoptère parti pour un check up régulier ait été immobilisé à Port Harcourt après le refus de Aerocontractors Company of Nigéria ait attendu la signature du contrat qui ne venait pas », raconte M. Duprez. Il ajoute que pendant des mois, l’hélicoptère a volé sans le moindre papier, puisque la SOBEH hésitait à signer le contrat de maintenance. Selon nos investigations pour le PEA, aucune démarche n’a été faite par la SOBEH. Cette information a été confirmée par M. Prudencio Béhanzin, Directeur Général de l’ANAC qui nous a confié que « la SOBEH n’a jamais été détenteur d’un PEA ». Selon le Règlement numéro 6 de l’aviation béninoise (RAB6), « l’exploitant doit avoir désigné des responsables acceptables par l’ANAC pour l’encadrement et la supervision des domaines suivants : les opérations aériennes, le système de maintenance, la formation et l’entrainement de l’équipage, les opérations au sol, le système qualité… ». Sans le PEA, l’hélicoptère est donc d’usage privé. Et désormais, il sert de moyen de déplacement au président Boni Yayi. Chose curieuse, pendant ce temps, la SOBEH continuait toujours à payer chaque mois près de 100 millions à louer auprès de Bristow Helicopters Nigeria Limited, des hélicoptères pour le déplacement des agents. Duprez dit avoir longtemps poussé les responsables de l’ANAC et le ministre Kassa pour se faire délivrer le PEA, mais rien n’a bougé. Au contraire, il a été parfois réprimandé et ses courriers aux autorités, même au Chef de l’Etat sont restés sans réponse. « J’ai compris que personne n’en voulait. Tant que la situation restait en l’état, tout le monde en profitait. Kassa utilisait aussi l’hélicoptère pour des fins privées dès que le président avait tourné le dos. Serait-il intéressant de parler de tous ses déplacements privés Cotonou- Bassila dès que le président avait quitté le pays ? Je pense que cela le mettrait très mal à l’aise », accuse le pilote. Le ministre Kassa s’en défend. Joint pour opiner sur la question, il a ironiquement prétendu que c’est par manque de clients qu’il a décidé de le mettre à la disposition du chef de l’Etat. « Quand vous n’avez pas de contrats, il faut trouver des moyens pour chauffer l’appareil », a-t-il dit. A la SOBEH où on cultive une sorte d’omerta sur le dossier, le directeur général, Michel Saka n’en sait pas grande chose .Son prédécesseur Jean-Jacques Atchadé qui a géré tout le dossier, refuse aussi d’en parler. « Je suis en retraite et je n’aimerais pas parler de ce dossier, allez voir mon successeur », nous a-t-il dit. Seule une source anonyme en a parlé et confie : « Une fois acheté, l’hélicoptère a servi au déplacement des autorités, je pense que c’est le but secret visé depuis le début. Les opérations pétrolières ont juste servi d’alibi pour l’achat ».
Encadré : Vers un procès inutile

Le 25 mars 2016, soit trois mois après le crash, le directeur général (DG) de la SOBEH d’alors Jean Jacques Atchadé envoie un courrier au DG d’Aero support LLC en la personne du pilote Eric Duprez. Se basant sur l’article 3, il lui notifie la résiliation du contrat qui parle des obligations contractuelles découlant de l’exploitation de l’hélicoptère. Il cite également les articles 1328 et 1328.1 du code civil de 1804, et affirme que chaque partie est libérée de ses obligations contractuelles, étant donné que l’aéronef est irréparable. Dans sa réponse en date du 29 mars, Eric Duprez affirme que la SOBEH gère deux hélicoptères, et que l’indisponibilité de l’un ne peut entrainer la résiliation du contrat. Qu’en plus, il n’est écrit nulle part dans le contrat que l’accident de l’hélicoptère allait entraîner la résiliation des contrats du pilote et du mécanicien. Si résiliation il doit avoir, ce dernier doit être fait par chacune des parties après un préavis de six mois notifié par écrit. Il l’invite aussi à payer les six mois d’arriérés de salaires prescrits selon le contrat. Dans une lettre adressée au DG SOBEH le 11 avril 2016, Me Lionel Agbo, avocat d’Aéro LLC support réclame pour ses clients la somme de 83.318.460 F CFA. Depuis, Eric Duprez et son compatriote Yves Malplate n’ont reçu aucun kopeck. Installé depuis plusieurs mois à Dakar, Eric Duprez affirme avoir saisi le tribunal commercial de Paris -juridiction choisie de commun accord avec la SOBEH- pour se faire rendre justice. Le Bénin risque gros et pourrait perdre beaucoup d’argent.

L’assurance payée et pourtant …

Après le crash du 26 décembre, on s’attendait à un grand contentieux juridique pour le paiement de l’assurance. Mais tout s’est passé plus facilement que prévu. Courant mars 2015, la compagnie d’assurance Axa qui opère au Bénin par le biais de Nsia a versé 7,18 milliards FCFA à la SOBEH en guise de remboursement pour l’assurance. Une démarche qui parait bancale au regard des pratiques courantes chez les assureurs. Selon un ancien pilote d’Air Afrique actuellement pilote instructeur en France, « les assureurs ne paient pas souvent tant que l’enquête n’est pas entièrement bouclée. C’est souvent une grande bataille juridique et les avocats des compagnies se battent pour leurs clients ». Pourtant, l’assurance a été payée. Il semble avoir une maldonne qu’on a du mal à expliquer. A la NSIA, nous n’avons pu avoir d’explication à ce paiement. Le montant a même provoqué un litige entre celle-ci et le gouvernement défunt, qui a écrit au DG pour demander de lui retourner les fonds que la société entendait utiliser pour l’achat d’un autre hélicoptère afin de faire face à ses obligations. Le 04 mai 2016, le Conseil des ministres a parlé du paiement de cette assurance sans trop de détails.

Marcel ZOUMENOU

Enquête réalisée dans le cadre du projet ; « Pour les médias plus professionnels au Bénin » de la Maison des Médias financé par OSIWA, publiée le 09 août 2017.




 
 

 
 
 

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