Bénin

Chronique du Professeur Gbégnonvi : Soixante ans d’indépendance sous le signe du respect

L’investigateur 18/07/2020 à 13:35

(Par Roger Gbégnonvi)
Il est au Bénin des survivants dahoméens habitués à l’instabilité des fêtes nationales. Le 14 juillet d’abord, le 1er août ensuite, puis le 30 novembre, et à nouveau le 1er août. L’exercice leur a permis d’accueillir sans paniquer l’annonce de la « sobriété totale » qui caractérisera le 1er août 2020. Il ne leur est certes pas indifférent qu’on célèbre sans faste les soixante ans de notre indépendance, puisqu’ils donneraient leurs derniers cheveux pour offrir à leurs petits-enfants un défilé splendide. Mais ils croient avec Paul Valéry que « Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles » et que les fêtes nationales peuvent valser, tanguer, pâlir, voire s’arrêter net. La vie nous impose de respecter la fortune qu’elle nous réserve et que nous ne pouvons guère modifier si elle nous déplaît.

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Or le maître-mot de l’année 2020 et, tout uniment, le maître-mot de nos soixante ans d’indépendance est, bel et bien, le respect. Respect de cette bestiole, invisiblement apparue, et qui nous menace très visiblement, nous pousse dans nos derniers retranchements, nous oblige à remballer les tentes dressées pour la fête, à remiser tambours et trompettes sortis pour les décibels de la danse. Tristesse. Détresse. Et ce fut sans doute en pareille situation que le psalmiste s’interrogea : « Yahvé, qu’est-ce donc l’homme, que tu le connaisses / l’être humain, que tu penses à lui ? » (Ps. 144/3). Blaise Pascal a répondu : « L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature », un fétu au regard de la grandeur et de la majesté des galaxies, « une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer ». Pour vivre, l’homme doit donc faire profil bas. Et c’est ce que, contraints et forcés, nous ferons en la solennité du 1er août 2020, par respect pour la bestiole invisible qui nous impose surveillance, méfiance, distance.
Mais honte et misère si ce respect n’est que crainte et tremblement, soumission humiliante imposée par une bestiole invisible ! Pour garder la tête haute dans ce désarroi, l’homme béninois, tenant compte de son contexte national, s’imposera délibérément deux autres pôles de respect pour compenser en dignité la sournoise terreur de la bestiole.

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Le premier pôle s’appelle respect du bien public. En mai 2020, des journalistes béninois, après enquête, ont publié « La corruption au Bénin – Tel un serpent de mer », copie quasi conforme du travail de leurs collègues en août 1999, « Visages de la corruption au Bénin ». Pendant donc 21 ans, le même incivisme pratiquement, malgré moult mesures-barrières. Dès que nous le pouvons, nous rejetons la suprématie des lois au profit de nos égoïsmes rances. Résultat : la CRIET ne désemplit pas. A l’occasion du 1er août 2020 pris en otage par une bestiole invisible, nous nous convaincrons, enfin ! que « La vertu est sa propre récompense » (Platon) en même temps qu’elle est le socle sur lequel l’Etat édifiera, belle, la République, la RES PUBLICA, la chose publique. Nous respecterons donc le bien public.

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Le deuxième pôle s’appelle respect de l’enfant. Le 4ème de la Table de Moïse impose aux enfants de respecter leurs parents. Nul, enfant ou parent, ne peut y trouver à redire. Cependant, est vraiment parent et digne du respect de l’enfant celui ou celle qui l’a respecté en l’élevant comme il convient. Voilà pourquoi nous devons respecter l’enfant en l’appelant au monde seulement quand nous nous sommes assurés d’avoir les moyens de l’élever convenablement. Paul Valéry le dit en termes de « transformer la procréation en un acte réfléchi et volontaire ». Le recours à la corruption ou à la Providence, loin de nous rendre parents respectables, nous rendra parents méprisables. Nous respecterons donc l’enfant.
Tenus, à soixante ans, en respect par une bestiole invisible, nous nous imposerons le respect de nous-mêmes par le respect des lois qui s’imposent à nous en République et par le respect de l’enfant qui nous impose d’être, à son égard, moins géniteurs, davantage parents.




 
 

 
 
 

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