Bénin

Léhady Soglo : ‘’J’ai perdu et, je le sais, tout un peuple a perdu avec moi une mère’’

L’investigateur 13/09/2021 à 14:38

Depuis son exil en France, l’ancien maire de la commune de Cotonou, Léhady Soglo a rendu hommage à sa mère, Rosine Soglo décédée. Dans un texte publié à cet effet, l’ancien président de la Renaissance du Bénin a rappelé la dimension charismatique de sa maman. Les détails.

Au nom de Dieu le clément, le miséricordieux.
Chers familles, chers amis, mesdames, messieurs,

Il m’est difficile de m’exprimer en ce jour si sombre. Cependant, je tiens à vous remercier pour votre présence et votre soutien.

Le lien qui m’unissait à maman était très fusionnel. Elle m’a tout donné, l’amour, la sécurité, l’attention, la présence. Elle m’a appris à regarder vers l’avant, à croire, à me battre, et aujourd’hui encore, je sens m’étreindre son souffle puissant. J’ai appris et j’ai aimé partagé l’amour et l’abnégation de cette Femme devenue personnage public, mère d’une nation.
Ma très chère Maman, le respect des principes de la démocratie, la préservation des libertés fondamentales, l’indépendance de la justice, la liberté de la presse, toutes ces valeurs qui ont nourri ton engagement politique et social, sont aujourd’hui mises à mal. C’est pour cela que je n’ai pas pu te voir au cours des 4 dernières années, exilé que je suis. C’est pour cela encore que je ne suis pas à tes côtés au moment où tu vas effectuer ton dernier voyage. Quelle tristesse, quelle douleur que de ne pas être là pour t’accompagner dans ta dernière demeure !

J’ai perdu et, je le sais, tout un peuple a perdu avec moi une mère. Une mère sincèrement et viscéralement animée par la recherche de ce qu’il y a de meilleur, de simplement nécessaire pour ses enfants. Elle ne cherchait jamais à protéger son image ou à la promouvoir. Assumant tous les risques, allant à l’essentiel avec courage, pour revendiquer ce qui doit être et pour dire la vérité. Quelle foi il faut pour oser la dire, et parfois dans les heures les plus inquiétantes, pour oser la penser !
Quand le peuple se sent épié et manipulé, quand tout contribue à ôter à chacun sa dignité et son autonomie, comme nous avons besoin de ta voix qui jamais, ne faiblissait ! Malgré le poids des ans, malgré les vexations, malgré la cécité qui te faisait penser que tu n’étais plus indispensable, Maman, la vérité de ton combat politique et du bon sens hurlait encore plus ta légitimité. Tu disais tout avec droiture, directement : tes mots se gravant dans le marbre tant ils étaient incisifs et faisaient écho, dans nos langues, aux paroles vivantes des ancêtres que tu as désormais rejoins. Ton héritage te survivra !

Ma chère Maman, toi qui m’as conduit dans ce monde, moi ton premier né, j’aurai dû être là pour te conduire à ta dernière demeure... Je n’éprouve aucune rancune, aucune amertume. Cette épreuve est la volonté de Dieu. « Nul malheur n’atteint la terre ni vos personnes qui ne soit enregistré dans un livre avant que nous ne l’ayons créé ; Et cela est certes facile à Allah » (le Coran sourate 57, verset 22)

Dans l’évangile de Jésus Christ selon Saint Luc 6,27-38. Jésus déclarait à ses disciples : “ je vous le dis à vous qui m’écoutez : aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient…
Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés. Ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamné. Pardonnez, et vous serez pardonné. (…)

Ma très chère Maman, toi qui m’as donné la vie intercède auprès de Dieu pour qu’Il apaise nos cœurs. Qu’Il les adoucisse toutes les fois où nous avons des raisons de nous venger. Que Dieu nous insuffle son esprit de pardon, d’amour et de paix.

Adieu Maman ! Non ! Je dirai plutôt au revoir, car je le sais si bien, je le sens si fort et en écho avec Birago Diop je clame :

Les morts ne sont pas morts !
Ceux qui sont morts ne sont jamais partis :
Ils sont dans l’ombre qui s’éclaire
et dans l’ombre qui s’épaissit.
Ils sont dans l’arbre qui frémit,
ils sont dans le bois qui gémit,
Les morts ne sont pas sous la terre :
ils sont dans l’eau qui coule,
ils sont dans l’eau qui dort,
ils sont dans la case, ils sont dans la foule :
les morts ne sont pas morts.
Ceux qui sont morts ne sont jamais parti :
Ils sont dans le sein de la femme,
Ils sont dans l’enfant qui vagit,
et dans le tison qui s’enflamme.
Les morts ne sont pas sous la terre :
Ils sont dans le feu qui s’éteint,
ils sont dans les herbes qui pleurent,
ils sont dans le rocher qui geint,
ils sont dans la forêt, ils sont dans la demeure,
Les morts ne sont pas morts. Et toi non plus Rosine Vieyra Soglo !




 
 

 
 
 

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