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Bénin : ses 1ères attaques terroristes datent de 2019, lire l’analyse de l’ex-Ambassadeur Kérékou

L’investigateur 30/01/2022 à 20:54

Comprendre le terrorisme au Mali et au Bénin :
4ème et dernière partie.

Le Bénin a connu ses premières attaques terroristes en mai 2019 avec l’enlèvement et l’assassinat de deux touristes français et de leur guide dans le parc de la Pendjari. C’était déjà un signal fort de la présence du terrorisme régional, aux ramifications internationales sur le territoire national. En décembre 2021, le terrorisme au Bénin a connu un tournant significatif car pour la première fois des attaques ont visé les forces de défense et de sécurité dans la zone frontalière.

Deux communes sont touchées, Banikoara (Fleuve Mékrou) et Materi (Porga) ; et des soldats ont été tués. Je voudrais profiter de cette tribune pour transmettre mes sincères condoléances aux familles éplorées ainsi qu’à leurs frères d’armes. Ensuite, souhaiter beaucoup de courage à toute la hiérarchie militaire.

Je n’oublie pas les forces de sécurité

Ceci dit, il faut souligner que le terrorisme de type djihadiste est nouveau au Bénin. Les différentes attaques au Nord Ouest et du nord Est proviennent des relents terroristes au Mali et de leur extension au Burkina. On peut donc affirmer que le terrorisme au Bénin tire ses racines de celui du Sahel et puise sa substance du Djihadisme. Faudra-t-il le rappeler une fois encore, le Mali est une digue contre le terrorisme à renforcer. Si elle (la digue) cède, il faut craindre la dissémination du terrorisme dans tous les pays de l’Afrique de l’Ouest.

Il vaut mieux prévenir que guérir. La prévention a un coût qui exige une re-orientation du budget national ; donc forcément une prévision à la baisse des investissements et du programme social. Mais c’est nécessaire car la défense du territoire et la sécurité des personnes et des biens sont l’une des fonctions essentielles de tout gouvernement.

Il est important de remarquer que le terrorisme s’épanouit dans le terreau de la pauvreté. La jeunesse désœuvrée est la première cible pour le recrutement. Cela interpelle nos États à mettre en œuvre des politiques idoines envers cette couche importante laquelle constitue généralement plus de la moitié de la population. Les États doivent aussi s’attaquer véritablement aux problèmes sociaux.

C’est pour cette raison qu’il faut circonscrire le mal très tôt afin qu’il ne déploie pas ses tentacules. Les dernières attaques doivent être prises au sérieux. Ce sont d’une part des tests pour évaluer la réactivité, la capacité de résistance et la force de frappe de nos soldats. C’est connu et le mode opératoire des terroristes est généralement le même partout. Il commence timidement et monte en puissance progressivement. D’autre part, il n’est pas exclu que la faction active au Burkina cherche à établir la jonction et tracer un couloir terrestre de communication avec le groupe Boko Haram active au Nord du Nigeria. Il faut coûte que coûte empêcher cette liaison qui plus tard développera indubitablement une synergie d’actions entre les deux groupes à travers le Bénin.
Enfin, la lutte contre le terrorisme au Bénin ne peut se concevoir et ne saurait être menée et gagnée sans une coordination au niveau régional des renseignements militaires et la sécurisation de nos frontières.

Prologue :

Bien que j’apprécie le mérite des forces armées africaines qui ont capitalisé beaucoup d’expériences à travers les opérations de maintien de la paix sur le Continent, il faut aussi reconnaitre qu’elles ne sont pas suffisamment préparées non seulement pour cette nouvelle forme de guerre – la guerre contre le terrorisme – mais aussi sur les nouveaux terrains inconnus et aussi vastes que le désert, les parcs (Parc de la Pendjari) et les eaux (piraterie maritime). Il serait difficile, voire impossible, aux forces africaines seules de venir à bout des groupes surarmés du nord Mali et de la côte ouest africaine. Une chose est de vouloir aller en guerre ; une autre est de pouvoir aller en guerre. Et quand il s’agit d’une guerre en bonne et due forme, le vouloir ne peut jamais remplacer le pouvoir. Nos forces armées peuvent-elles prétendre mener seules cette guerre, sans le soutien de la communauté internationale ? Je dois y répondre par un non catégorique.

Nos forces armées respectives sont toujours en construction, elles disposent d’un budget annuel de défense faible qui permet de payer juste les soldes et de réaliser à peine quelques dépenses d’équipement mineures par ailleurs. A cela, il faut ajouter une logistique défaillante, un renseignement négligé, une mauvaise organisation et dans certains pays dont je me garderai de citer les noms une corruption endémique, un commandement incompétent et un moral à zéro de la troupe. Toutes ces insuffisances ne sont pas de nature à envisager le déploiement d’une force composée uniquement de troupes africaines. Ici, on ne peut se passer du soutien de la communauté internationale.

Si la France et la Russie pouvaient joindre leur force… Si par exemple la France continue avec ses raids aériens et à frapper l’ennemi jusqu’à ses derniers retranchements, et les russes poussent plus loin leur offensive terrestre… si entre temps les Etats-Unis acceptent de mettre à contribution leurs fameux drones militaires qui ont fait leur preuve en Afghanistan et au Pakistan… si l’Algérie et la Mauritanie s’engagent aux côtés des forces africaines ne serait-ce que dans le renseignement et si les troupes au sol maliennes, burkinabés, béninoises etc, disposent d’un commandement organisé, unifié et cohérent, il y a de fortes chances que cette guerre prenne fin rapidement dans les années à venir.

Last but not least, et c’est à ce niveau que se situe mon inquiétude car toute guerre a un coût. Qui supportera le coût de la guerre ? C’est pour cela il faut au plutôt passer une résolution aux Nations-Unies pour faire supporter le coût à la communauté internationale car le terrorisme est devenu un fléau international.

Moïse Kérékou




 
 

 
 
 

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