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Bénin : une proposition à Talon pour sa volonté de se réconcilier avec Yayi. Lire les détails

L’investigateur 16/06/2021 à 12:22

Réflexion de Jean-Pierre Edon sur le discours d’investiture du Président Talon

La nécessité d’un pardon présidentiel et de revoir les réformes sur des bases consensuelles

L’ESPOIR SUSCITE PAR LE DISCOURS D’INVESTITURE DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

Les Béninois et le monde entier ont suivi avec intérêt et espoir le discours prononcé le 23 Mai 2021 par le Chef de l’Etat au cours de la cérémonie de son investiture pour un second mandat. De ce message important il ressort tout un programme d’actions pour le quinquennat ainsi que de nombreuses idées dont la mise en œuvre permettra au Benin de faire un pas vers le développement. Plus particulièrement, quelques-unes de ces idées fortes attirent l’attention et se résument en quelques points qui vont suivre, accompagnés de brèves analyses.
Taire nos querelles pour nous consacrer à l’essentiel. Les élections ainsi que les incompréhensions ou les querelles qu’elles génèrent, c’est désormais du passé.
Le développement d’un pays est l’affaire de tout le monde quel que soit le bord politique où l’on se trouve. Dans une ambiance de querelles et de malentendus permanents, il est difficile de se consacrer à l’essentiel car beaucoup d’énergie et de temps sont consacrés aux questions de moindre importance qui détournent l’attention de l’essentiel.
Il est alors indiqué de chercher et de travailler pour l’unité nationale, la seule force permettant de relever les défis du développement dans une ambiance pacifique dont le socle est le consensus.
Dans ce cadre, il s’avère important de se conformer exclusivement à la constitution qui interdit les propos, les actes et pensées régionalistes qui polluent l’unité et compliquent la gestion du pays. Tout Béninois et surtout les dirigeants sensés prêcher l’exemple, doivent toujours œuvrer pour l’entente, l’union, le dialogue, la fraternité et la paix.

Par le dialogue et la persuasion, tout différend, toutes incompréhensions peuvent être réglés entres les frères et sœurs que nous sommes. Le recours à l’usage de la force complique tout et la violence qui n’a jamais réglé correctement un problème, n’appelle que la violence. Elle n’arrange rien et crée plutôt des précédents dangereux et inoubliables en mettant mal à l’aise tout citoyen épris de paix et de justice. Il est préférable de faire économie des tensions et violences et privilégier les moyens pacifiques de règlement des malentendus.
Dans cet esprit, il est heureux d’entendre le Chef d’Etat dire que les élections et les difficultés qu’elles ont générées sont désormais du passé. Cette appréciation digne d’un homme d’Etat, fait appel désormais à des actes comme la cessation des arrestations, la libération des gens détenus en prisons depuis les évènements de Mai et Juin 2019 ainsi que ceux qui sont arrêtés par centaines à la suite des élections du 11 Avril 2021, sans oublier le retour au pays des exilés politiques. Un pardon présidentiel en leur faveur grandira le Chef d’Etat et sera la preuve tangible de son attachement à la paix et à l’unité nationale.
Dans le même ordre d’idées, il est vivement souhaitable que la déclaration du Président à Parakou en Novembre 2020 au cours de sa tournée de reddition de compte, relative à sa volonté de se réconcilier avec l’ancien Chef d’Etat Yayi Boni, soit traduite en acte dans les meilleurs délais. En sa qualité de Père de la Nation il lui revient de prendre l’initiative de la procédure devant aboutir à cet objectif louable. Il est en effet certain que cette réconciliation entre les amis d’hier, contribuera énormément à pacifier le pays et à rendre aisée la gestion du second mandat. Ce serait aussi la preuve que le Premier citoyen du pays est sans rancune ni haine et reste effectivement le Président de tous les Béninois.

Je serai le Président de toutes les Béninoises et de tous les Béninois.

Cet engagement très important impliquant l’unité nationale, suppose que le Président de la République est celui des Béninois ayant voté pour et contre lui. C’est normal en ce sens qu’il n’est plus un candidat aux élections, mais plutôt un Président élu. Il ne doit plus faire de différence entre ses partenaires et ses adversaires. Cela veut dire que tout Béninois sera traité de la même manière, bénéficiera des mêmes avantages quelle que soit son opinion politique.
Aucune discrimination ne sera faite entre les citoyens qui partagent les mêmes idées politiques que lui et ceux qui ont des idées discordantes. Ils seront à égalité de chance dans tous les domaines surtout en ce qui concerne l’emploi, les nominations à des postes de responsabilité. Les critères décisifs seront alors la compétence, l’expérience professionnelle et la bonne moralité.
Aucun effort ne sera épargné pour combattre ce qui divise les Béninois et renforcer ce qui les unit pour que vivent la liberté et la démocratie.
Notre autre devise : liberté, démocratie et bonne gouvernance
Cette autre devise, apparaissant comme un leitmotiv, vient renforcer l’originelle à savoir fraternité, justice, travail et constitue tout un programme et un engagement. En vertu de cette autre devise, le second mandat devra être marqué alors par ce qui suit :
La révision immédiate de la loi sur le numérique qui empêche la pleine jouissance des libertés démocratiques de presse, d’opinion, de réunion, de manifestations etc…
La cessation des arrestations liées aux tensions électorales et aux idées discordantes émises dans les journaux et les réseaux sociaux.
La satisfaction des demandes de meeting ou de manifestations de rues propres au système démocratique.

La suppression de toutes les mesures et actes générant la psychose au sein de la population et le sentiment d’étouffement découlant du déficit ou de manque de liberté.

La relecture des lois électorales dont la mise en application entraîne l’exclusion d’une frange importante de la population de la course électorale. Certes, les intentions ayant présidé à leur adoption sont certainement bonnes, mais leur application sur le terrain crée beaucoup de problèmes qui sont à l’origine des tensions et violences que nous avons connues, pour la première fois depuis 1990, durant les périodes électorales, ce qui porte atteinte grave à la réputation de la démocratie béninoise. Faite sans la participation des tenants des voix discordantes, cette réforme est vue comme une action dirigée contre les adversaires politiques. A l’avenir, il faudra en tenir compte en associant toutes les sensibilités politiques, surtout celles qui ne sont pas représentées au Parlement. Un dossier du genre à caractère hautement national et très sensible dépasse le clivage entre la mouvance présidentielle et l’opposition.
La prise en considération de l’autorité de la chose jugée. La justice béninoise étant unique, une affaire déjà jugée et tranchée par elle par le passé, ne devrait plus être reprise et jugée de nouveau par une autre structure judiciaire du même pays.
La révision de la loi relative à la création des partis politiques. Le diagnostic fait et qui sous-tend cette réforme politique est juste. En effet un pays comme le nôtre ne saurait disposer de plus de 250 partis politiques ayant de surcroit des projets de société quasi similaires. De la conférence nationale à nos jours, aucun parti à l’exception de FCBE en 2011, n’a pu tout seul prendre et exercer le pouvoir, faute d’avoir une base nationale.

On se servait des formations politiques comme des moyens de pression pour avoir des avantages matériels. De ce point de vue, la loi qui implique leur regroupement est compréhensible, mais elle comporte des dispositions qui violent les normes de la démocratie et des libertés. En voulant résoudre un problème, on en crée un autre. Or il y a des mesures plus simples, consensuelles pouvant permettre d’atteindre le même objectif.
Voilà pourquoi il est indiqué que ces réformes soient revues sur la base du consensus pour être durables dans un climat réellement social, comme le sera le second mandat présidentiel.

Ce mandat sera donc hautement social

A entendre le Chef de l’Etat déclarer que son second mandat sera hautement social, nombre de Béninois ont applaudi dans l’espoir que l’étau serré depuis cinq ans sera à présent desserré. Aussi espèrent-ils la création de beaucoup d’emplois pour la jeunesse, l’amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs et étudiants, le rétablissement des primes aux agents de la fonction publique et l’augmentation des salaires et des pensions de retraite en fonction du coût de vie de plus en plus élevé.

Les préoccupations de la population en matière de santé, l’équipement conséquent des centres sanitaires ainsi que la situation des plus pauvres sans logis, ni moyens pour se nourrir, se soigner en cas de maladie, donc dépourvus du minimum vital, devront recevoir la considération requise. On pourra envisager comme ailleurs, qu’en vertu de la solidarité nationale, cette catégorie de citoyens démunis, reçoive des allocations mensuelles de l’Etat.

Le recrutement du personnel de santé et de l’éducation (manque d’enseignants) sera nécessaire et réduira le chômage dans ces deux secteurs. Ce sera l’occasion pour rénover les résidences universitaires à Calavi qui sont dans un état de délabrement avancé, faute de travaux d’entretien corrects depuis leur construction datant de plusieurs années, voire des décennies. Ainsi on offrira aux étudiants, des conditions de vie saine et hygiénique dans les cabines.

Toujours dans le cadre du social, il est d’une nécessité impérieuse que la loi sur l’embauche soit révisée pour mieux prendre en compte les intérêts des travailleurs. Il s’agira de débarrasser l’emploi de la précarité qui le caractérise aujourd’hui, le rendre plus stable et durable.

La fonction publique doit demeurer telle et ne saurait être privatisée. Dans tous les pays du monde, elle est, par nature sociale, à l’opposé du secteur privé guidé par la recherche du profit et de la rentabilité.

Par ailleurs, le quinquennat actuel étant hautement social, il est à espérer qu’en vertu du principe de la continuité de l’Etat, les arriérés salariaux dus à tous les travailleurs et en particulier aux diplomates à la retraite leur soient enfin libérés surtout que beaucoup de gens parmi ces derniers ont déjà trouvé la mort sans pouvoir en jouir. A ce jour, toutes les démarches entreprises depuis cinq ans en direction des Autorités compétentes sont restées vaines. Pourtant ces arriérés salariaux ont connu un début de paiement en 2015. C’est aussi le moment de prendre les dispositions nécessaires pour payer les arriérés de primes dus aux agents en fonction à la Présidence sous l’ancien régime.

Il est souhaitable qu’en ce début du second mandat , cette doléance soit satisfaite grâce à l’esprit de compréhension, d’impartialité et de justice du Chef de l’Etat qui a toujours su donner la réponse appropriée à ce genre de préoccupations. C’est dans ce même esprit qu’il compte du reste, donner dorénavant la préférence à la formation technique et professionnelle.

Privilégier l’enseignement technique et la formation professionnelle

Cette vision est soutenable et opportune dans la mesure où elle permet de lutter contre le chômage et de former les agents dont a besoin le marché de l’emploi au Bénin. Toutefois les filières universitaires traditionnelles seront maintenues avec un effectif raisonnable et non pléthorique. La majorité des étudiants devant être orientés vers les écoles techniques et professionnelles.

En même temps que les lycées techniques à créer d’ici à 2023 seront fonctionnels, l’Etat doit dès à présent penser aux conditions d’installation à l’auto-emploi de ces jeunes en fin de formation quelques années plus tard. Un fonds d’accompagnement pour leurs équipements et le démarrage des travaux sera nécessaire, or les banques de la place sont trop frileuses pour soutenir ce genre d’activités.
Sans cet effort financier en leur faveur, ces techniciens professionnels risquent de devenir des chômeurs, ce qui serait contraire à l’esprit de la réforme de l’enseignement. Cette question mérite l’attention des Autorités.

Si tout ce que contient ce discours est mis en application, le Benin aura fait un bond en avant sur la voie du décollage économique et social.

Toutefois, un point important manque dans ce message solennel : il s’agit de la politique étrangère du Benin durant les cinq prochaines années. En effet aucun pays ne pouvant vivre en autarcie, la réalisation du programme d’actions présenté dans ce discours serait difficile si la conjoncture mondiale n’est pas favorable, et si la paix et la sécurité internationale ne sont pas garanties.

L’action diplomatique devra alors viser le rayonnement du Benin dans le monde, sa contribution à la paix, à la recherche, de concert avec les autres pays, de voies et moyens pour relever les défis de l’heure, tels que le terrorisme, les changements climatiques. La vision béninoise doit être évoquée par rapport au nouvel ordre économique international encore d’actualité sous une autre forme, à la coopération agissante, pour que la mobilisation des ressources nécessaires au développement du pays tel qu’annoncé dans le discours, puisse se faire aisément avec le concours de l’environnement extérieur. L’investiture du Président de la République était une belle occasion pour en lancer les grandes lignes à l’attention de la communauté internationale.

Jean-Pierre A. EDON
Ambassadeur, spécialiste des questions internationales



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